• La vie de province *

    La vie de province *

    Que la vie de province peut être douce et reposante ! Depuis huit jours, j'ai retrouvé la petite bourgade de Saint-Tropez, dans le Var, où je viens habituellement passer mes vacances et en même temps j'ai retrouvé le délicieux parfum des vieilles choses : rues tortueuses, visages unis, commerçants empressés, non, rien n'a changé. Après Paris et ses ouragans, quel soulagement de retomber en cette petite ville tranquille où l'inattendu est impossible ! Angoulême au bord de l'eau ! 

    La vie de province est une vie réglée. A midi, nous partons tous entre amis déjeuner, à ce doux caboulot qui a nom l'Epi-plage. Les audacieux se baignent, les autres somnolent au soleil. Puis nous déjeunons par petites tables, animées et affectueuses. Enfin, c'est le jeu de boules ou le jeu de dés, ou plus simplement une de ces bonnes conversations à bâtons rompus où l'esprit se délasse si délicieusement. Chacun rentre chez soi, qui dans une coquette villa, qui dans un vieil hôtel confortable, afin de se changer et pouvoir se retrouver, une heure plus tard, tous ensemble, proprets et dispos. 

    Après le dîner, on se dirige vers la salle des fêtes.  En vacances, on va au bal, à l'Esquinade, petite pièce éclairée aux bougies où l'on danse, l'on rit, l'on boit un peu.[…] Vers deux heures du matin tout le monde rentre, certains pour dormir, d'autres pour faire l'amour.[…]

    Non ma chère tontine, vous pouvez être rassurée, je passe de charmantes vacances. Une seule chose me fait de la peine : imaginez cinquante journalistes acharnés, malheureux et obsédés qui essayent de faire de notre Angoulême-sur-mer une nouvelle Babylone… Qui tentent d'introduire un rythme trépidant dans notre vie paisible… qui voient des scandales  où personne n'en voit… Ce ne peut être dans des buts touristiques, ils ne peuvent être payés par le syndicat d'initiative ; l'endroit est plein. Enfin… Ce sont les seuls à plaindre : nous sommes tous ravis.  

    La vie de province *

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    * Texte de Françoise Sagan, écrit en un  siècle lointain où l'insouciance était un art de vivre…

    Images 1 & 2 -  Le grand olivier & le port de st Tropez par Albert Marquet - Google Images

                  

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