• Poète, printemps, possible

    Poète, printemps, possible

     

    Mais qui est le poète ? Est il différent de nous, non poètes ? Qu'attendre de lui ? Plus que jamais, dans cette époque de sécheresse, ces temps où la beauté disparaît, où la médiocrité tient lieu de pensée et d'être, le poète doit nous faire aimer le monde.

    Aujourd'hui, le poète est Michel Sidobre. Et il sait nous réciter ce monde. Son style, ses mots n'ont pas besoin d'être doctement ou prétentieusement disséqués. Diaphane, légère, immatérielle, sa poésie naît de la réalité qu'il faut dire, et qui n'est jamais banale. Car tel est le poète, il poétise comme vocalise le rossignol, car il voit les choses en esprit. Ne vous fiez pas à ces mots simples, ces images que vous pensez connaître, ce qui sourd de ces textes c'est toute la tessiture même de la poésie, sans emphase, sans narcissisme, qui s'offre à notre perception.

    Il pose ainsi son regard d'homme sur la Femme, dans « D'elles ». Le masculin regarde rarement la femme (quoi qu'elle pense), et demeure très peu curieux d'elle, de ce qu'elle est. Il estime sensé, l'insensé, de la réifier, de l'ignorer, souvent de la maltraiter ou la mépriser.

    L’Homme, lui, sait qu'il est partie d'elle, qu'elle est partie de lui. Il peut donc parler de sa force, cette puissance qui fait d'elle « l'autre », forte des souffrances subies sans cesse. Parler aussi de la sagesse de celles qui refuseront toujours la guerre, ou la violence, de sa beauté et de sa pensée.

    Dans les yeux me perdent, ELLE dit ainsi  :

    Mon sourire est il à moi ? mon corps que j'aime Est-il à moi?

    Mon sourire pour moi ? Est-il pour leurs regards de mâles?

    Ai-je droit d'être belle, Heureuse, insouciante? De respirer la vie Avec ma peau entière?

    Jouer de mes rondeurs Ou des angles ossus

    Que la nature m'attribue Entre les satins feu et les mailles ouvertes?

    Le libre droit de passer mon chemin,

    Me promener, Pouvoir aimer, Ou n'aimer point? *

     

    Mais les femmes sont le monde et celui du poète est sa région d'abord. Son regard d'enfant sur la nature nous fait voir la douceur des montagnes dans la lumière du couchant, les flamants roses qui accompagnent la vie et se mirent dans l'étang en compagnie du Canigou, le parfum de la garrigue ou de la badiane étoilé, la chaleur du soleil somptueux, toutes ces choses sont esquissées en peu de vers, chauds, précis, dansants, évoquant le pinceau du calligraphe et son motif signifiant.

      

     Retour

    Voici le temps des lilas, De la venue des prunes rouges, J’avance, fier de vivre.

     

    Poète, printemps, possible

    Qu'ajouter à ces trois vers ? Regard critique, regard amoureux, regard regardant, ancré dans le réel. Pourquoi sublimer le monde alors que même dans ses fêlures, ses désastres, il est déjà sublime ? La poésie de Sidobre est faite de nonchalance méditerranéenne, celle que la passion dévaste d'un coup mais qui sait revenir à la raison et reste toujours consciente de sa réalité environnante, même quand elle est triste, ou tragique :

     Terres entaillées Vignes arrachées, Vignerons amers,

    Ceps bruns entassés, Tumulus dressés Pour un certain temps Dans le paysage*.

     

    Michel Sidobre conte la vie de tous les jours, les impressions et sensations fruits de l'observation des autres, quels qu'ils soient : du vieillard éclopé, des prostituées sur le bord de la route qui « balisent », du monde, des papillons comme des voisins.(un de mes préférés)

    Les suivants*

    Ils ont acheté la maison Et aussitôt coupé les arbres D’une vie.

    Plus de légumes, plus de fruits, Ni verveine, ni camomille.

    Ils ont planté du gazon Et fait installer la piscine.

    Pour accomplir Une autre vie, Humaine, triste Et bien réelle.

    Une autre vie Où les rires au bord de l’eau Tentent de faire diversion.



    Poète, printemps, possible

    Mais tout de même,

    Oui ! La vie ! Il fait soleil,

    Il fait frais, Il fait bon la vie...

     

     

     Petites feuilles vertes

    Les notes fragiles

    De l’arbre sous le vent

    Chuintent, Incolores.

     

    Surprise


    Le ciel s'ouvre au matin,

     Dévoilant le bleu lumineux

     des Coulisses

     

    Il est aisé de voir ce bleu même les yeux fermés, et de sentir ce vent sur sa peau, assis dans son fauteuil.


    Que ce soit dans Socius, ou d'Elles, ou encore, qu'il parle de tout ce qui fait la vie, ce qui l'exalte et ce qui l'éteint, Michel Sidobre provoque chez le lecteur des sensations de bonheur et de satisfaction impersonnelles, sa simplicité nous rassure, les thèmes évoqués nous font réfléchir. Les mots tombent, légers comme des notes de musique, s'intensifiant en un concerto qu'on réécoutera.

    C'est une poésie douce, qui nous rappelle celle que nous récitions dans notre enfance, quand on nous apprenait le monde en sons, en rythmes, en mots nouveaux.

    Les ouvrages de Michel Sidobre sont disponibles chez libellis, à la médiathèque et ici.

    Poète, printemps, possible

     

    *la mise en page des poèmes a été modifiée pour le blog – Extraits des recueils :  d'Elles, Socius et Aurores du Sud.

     Sources images : Google images 

     

    Poète, printemps, possible

    « Au théâtre ce soirAssez de pâte pour une deuxième fournée »