• Fleurpager pour survivre ?

     

    Fleurparger pour survivre ?

    Les bourdons bourdonnent de nouveau, les lézards baguenaudent sur les murs, les abeilles plongent leur tête dans les corolles, et le soir, les crapauds chantent à qui mieux mieux. Tout le monde est dehors. Tout le monde vit pleinement sa vie d’être vivant. Sauf nous, qui, n'étant bornés par aucun instinct déterminé, pouvons choisir de nous comporter en moutons terrorisés par les cris de nos dirigeants, de chérir et même de défendre notre peur, libres de refuser d'être des êtres debout. Et de rester enfermés dans nos maisons qui deviennent désormais des prisons. Pourquoi pas ? On s'occupe si bien de nous.

    D'ailleurs, dans sa grande mansuétude, le législateur machin nous autorise une heure de sortie par jour, sur justification de notre propre existence administrative dument datée et signée tout de même. Sortons donc, et profitons en pour en apprendre un peu plus sur ce que nous pourrions être. Et qu’on ne vienne pas nous parler de résilience et du verre à moitié plein. Ou de droits à ceci et à cela ! Il n’y a plus que le droit à la trouille qui tienne. Gardez cela pour les vaincus. Nous ne tolérerons que les discours triomphants, les attitudes pleines de gloire, les démonstrations par la beauté, la certitude d’être là où il faut, sans place assignée par quiconque, en toute liberté .   

    Fleurparger pour survivre ? Fleurparger pour survivre ?

    Les végétaux donnent l'exemple. Ainsi, sous le pont de la Liberté, si les Euphorbes sont chez elles, les graminées se mêlent, sans l’autorisation du jardinier, aux Iris domestiqués. Allez vous les en blâmer ? Urbaine par excellence, la Mauve s’invite partout : osez donc lui dire : reste chez toi sauvage, et garde tes distances... pour sauver la pelouse !

     

    Fleurparger pour survivre ?

    Le Bouillon blanc de Sicile s’épanouit sous le Mélia, fort occupé à se fabriquer de nouvelles branches, en prenant tout son temps, alors que les becs de grue fendent l’espace à toute vitesse pour coloniser la terre.

    Fleurparger pour survivre ?

    Fleurparger pour survivre ?

    Acanthe et punaise ont des tas de choses à se dire, et sans masque : elles ne craignent nullement la proximité, elles.

    Fleurparger pour survivre ?

    Mouron, Trèfle, Buplèvre, Vesce, et tant d’autres, avec lesquelles on fera connaissance une autre fois, quand on aura la permission, se pâment sous le soleil, exubérantes, expansionnistes, libres comme l’air, aussi belles que les roses auxquelles elles se mesurent en toute innocence, aussi joyeuses que les abeilles, aussi folâtres que les papillons.

    Fleurparger pour survivre ? Fleurparger pour survivre ?

    Et dans cet extraordinaire univers, tout n’est que joie, abondance et ingéniosité. Sauf pour nous, qui nous éteignons dans nos demeures .

     

    Alors, fleurpageons que diable ! Qu’attendons nous ? Les rhododendroves gyreront et gygembleront dans les vabes. Et nous frimerons vers les pétunioves et les momeraths engrabes. *Non ? Oui ?

    Fleurparger pour survivre ?

     

     

    * conjugaison de la traduction française tirée d’Alice au pays des merveilles, «Les rhododendroves Gyraient et gygemblaient dans les vabes On frimait vers les pétunioves et les momeraths engrabes.»

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